vendredi 28 novembre 2008

VOYAGE VOYAGE : BOSUNJAFO, ABUNAKOMBO, BOLUMBA… TOUJOURS PLUS AU CŒUR DE LA FORET…

Voilà 15 jours que je ne donne plus de nouvelles… Et oui, quand on se déplace au fin fond de la forêt équatoriale, l’isolement est tel que toute communication avec le monde extérieur devient quasi-impossible. Seule la radio fonctionne… à condition d’avoir pensé à envoyer suffisamment de piles !
Eprouvant physiquement (vu l’état des chemins et des moyens de transport, nous partions aux aurores et parfois le ventre vide…), cette aventure n’en fut pas moins un vrai bonheur : les yeux grands ouverts, j’ai découvert l’Afrique profonde telle que je l’imaginais… Une nature luxuriante, des gens qui vivent encore de manière traditionnelle (c'est-à-dire, presqu’exclusivement des ressources provenant de leur environnement), comme si la civilisation n’était pas parvenue jusqu’à eux (ce n’est pas péjoratif, c’est un constat…), des enfants qui courent derrière notre vieille Jeep bleue (une Toyota Land Cruiser de la fin des années 60 !) essayant de se frayer un chemin parmi les herbes qui envahissent la seule « route » reliant les villages…
J’apprendrai plus tard que cette région est effectivement particulièrement sinistrée car, comme tant d’autres en RDC, elle a connu les ravages de la guerre pendant plusieurs années (destruction ou réquisition des bâtiments par les soldats, pillage systématique des biens de tous ordres…), et comment reconstruire quand on ne dispose d’aucun moyen pour transporter les matériaux (si ce n’est sa propre force physique, ou éventuellement un vélo, voire une moto), et que les seules « routes » qui relient les villages entre eux sont devenues des chemins impraticables, pour la plupart très mal entretenus ? On comprend mieux pourquoi les choses évoluent peu, en plus du fait que la majorité des villageois ne sont pas très motivés par le travail, et qu’ils attendent toujours quelque chose de magique de celui qui vient de loin, du Blanc en particulier. Ceux qui s’adonnent au travail parviennent pourtant à des productions plus qu’encourageantes, et témoignent d’un réel savoir-faire : grandes maisons en briques et en bois, solides et esthétiques ; plantations abondantes de café, d’ananas, de noix de palme…qui assurent des revenus pour toute la famille (très grande ici, la polygamie étant répandue…) pendant plusieurs mois… Pour moi, cette « flemme » généralisée est assez incompréhensible, tout comme les ravages causés par l’alcool, omniprésent…
Malgré ce sentiment d’amertume, je suis très content d’avoir vécu cette aventure avec mes nouveaux « frères » et mes nouvelles « sœurs » : je garderai le souvenir d’un accueil chaleureux par les villageois, de rencontres multiples et authentiques, et aussi d’un vécu toujours plus intense avec ceux que je connaissais déjà depuis Basankusu.
Ah au fait, j’oubliai les but de ce voyage, qui n’était pas un simple voyage de complaisance : assister aux vœux des frères Jonas, Adrien, et Patrick (longue messe pendant laquelle 3 jeunes hommes annoncent publiquement leur souhait de vouer leur vie à Dieu, en respectant les vœux d’obéissance, de pauvreté et de chasteté…) et présenter le Centre Culturel Diocésain Mobokoli dans les villages…La misère intellectuelle est réelle dans de nombreuse écoles : les élèves voudraient apprendre, les professeurs voudraient se former et donner des cours de qualité, mais ils n’ont parfois aucun livres, ou quand ils en ont, ils datent de Mathusalem… Le niveau s’en ressent, et on se sent impuissant : on donne toujours la même réponse, problème de finances, de transport, de communication… C’est sûr, ouverture et changement vont de pair avec outils de communication et possibilités de voyager. Quand tous ceux que j’ai rencontrés auront-ils ces possibilités ? Un jour, je l’espère, peut être quand ils cesseront d’attendre tout de l’extérieur, et qu’ils décideront de se prendre eux-mêmes en charge ?


RETARD RECORD

Imaginez un pays où le 28 Novembre, vous n’avez pas encore perçu votre salaire du mois de Septembre… soit 3 mois de retard !
Imaginez comment vous vous débrouilleriez pour vivre, pour nourrir votre famille…
L’endettement permanent, c’est la réalité de la RDC !


BON APPETIT !

Quels animaux, régulièrement consommés ici, sont porteurs du virus « monkey-pox » ?
La chenille, l’antilope, la tortue, le caïman, le singe, le serpent, l’anguille, le cochon d’Inde, le facochère, l’écureuil, le porc-épic, le chacal, le renard, la grenouille… ?
Réponse : le singe et l’écureuil…
C’est pour ça que je n’en mange pas quand on m’en propose, car cette épidémie tue encore en ce moment, les gens consommant ici beaucoup d’animaux sauvages, parfois infectés…

REPONSE A LA DEVINETTE

La sentinelle a été renvoyé car elle a rêvé, donc dormi, or le travail d'une sentinelle, comme son nom l'indique, est de rester éveillé!!!


L’ECOLE, UN LIEU D’EDUCATION… A LA PROSTITUTION !

A Basankusu, les jeunes filles (dès 12 ans) comprennent très vite qu’une des manières de ne pas payer les frais scolaires et d’assurer leur passage en classe supérieure (sans travailler ni assister aux cours) est de « se rapprocher » de leurs enseignants… quand ces derniers ne proposent pas eux-mêmes ce chantage aux jeunes filles qui leur plaisent ! C’est ce qu’on appelle le dédommagement en nature : au moins c’est du concret, ce n’est pas comme le salaire qui se fait attendre, et puis ce n’est pas soumis aux taxes ! Chacun voit midi à sa porte…
Encore une de ces réalités qui nous paraissent incroyables, et à mon avis, ce n’est pas prêt de changer, vu la façon dont est recrutée la majorité des enseignants, et l’importance que le gouvernement congolais y accorde : c’est simple, ici il suffit d’être de connaître ou d’être connu du Directeur de l’école pour être engagé, quel que soit ton niveau de compétence et ton intérêt pour l’enseignement… Voilà à qui la RDC confie l’avenir de ses enfants. Pas étonnant que tous constatent une baisse de niveau et que le comportement des enfants laisse parfois à désirer…Certains directeurs d’école aiment cependant leur travail, suivent de près leurs enseignants, et se battent, avec quelques autres, contre ce système qui n’a rien d’éducatif !
Ce que je trouve inquiétant, c’est le peu d’intérêt que les enseignants en général accordent à leur formation personnelle : même quand on leur propose une formation gratuite et qu’on vient jusqu’à eux la dispenser, ils viennent par obligation (ordre du directeur), et la seule question qu’ils posent à la fin, c’est : « et mon per diem ? »(comprendre : « et mon argent, pour avoir assisté à la formation ? ») Et oui, vous avez bien lu, ici ce ne sont pas les gens qui paient pour recevoir une formation, ce sont les formateurs (ou l’asso organisatrice) qui paient les gens, pour les remercier d’avoir assisté à leur session !! Cette attitude s’explique : c’est le seul moyen que certaines ONG (UNICEF, MSF…) ont trouvé pour que les personnes concernées acceptent de quitter leur travail à la maison ou au champ, leur assurer un « per diem » pour être sûrs d’avoir des personnes à former… Si vous pensez à d’autres solutions, faites-moi signe !!!

Bisous ensoleillés de Basankusu où il commence à faire très très chaud... Je fonds!!

Mama Annaïg

mercredi 5 novembre 2008

UN PEU DE SERIEUX...

LA BONNE NOUVELLE DU JOUR

Un Noir à la Maison Blanche !!
Je suis contente : mon poulain a gagné les élections… Vive Obama, j’espère qu’il fera de grandes choses…

ACTUALITES : QUELQUES PRECISIONS SUR LA GUERRE DANS LE KIVU…

A vous tous qui me lisez, je tiens à vous rassurer : il paraît qu’en ce moment les médias français parlent beaucoup de la RDC, et plus particulièrement de la (énième) guerre qui sévit à l’Est, dans le Kivu.
Sachez tout d’abord que cette guerre, comme toutes les guerres, est éminemment politique et stratégique : en effet, le sous-sol de cette région est riche en pétrole et en minerais, et il s’agit pour les Occidentaux (les Américains plus précisément, mais aussi les Français) de ne pas perdre la main mise sur cette immense richesse, via des accords plus que douteux avec des chefs de guerre locaux, comme Kunda, dont vous avez sans doute entendu le nom… Et comme d’habitude, ce sont les civils qui trinquent : pour sauver leur vie, ils fuient massivement et se défendent comme ils peuvent avec leurs outils de travail quotidiens… Mais certains disent ici que c’est une guerre « contrôlée » et que maintenir une certaine instabilité dans la région permet de faire diversion : pendant que Kunda avance sur Goma, d’autres continuent d’extraire quantité de diamants, qu’ils font sortir de RDC par avion (un toutes les 30 minutes, paraît-il !), via le Rwanda, et sous surveillance militaire Bref, la plupart des diamants que l’on trouve en Europe viendraient de RDC…
Côté pratique, la RDC est vaste et pour conquérir le pays, il faudrait des années, vu l’état catastrophique des routes et la dangerosité des voies fluviales : entre les cours d’eau et la forêt dense, les obstacles sont nombreux…
Tout ça pour vous dire qu’où je me trouve, à l’Ouest, nous vivons et travaillons normalement, même si nous suivons avec attention l’évolution de la situation dans le Kivu, et même si la situation politique et sociale du pays demeure préoccupante. Les enfants commencent à reprendre le chemin de l’école, mais les enseignants ne sont toujours pas payés, et le gouvernement ne donne aucun signe de vie, trop occupé à choisir ses 37 nouveaux ministres…
Bref, tout va bien sous le soleil de Basankusu !!

COURBE DU MORAL

Depuis mon arrivée, ça alterne entre :
-moments de doute ( « qu’est-ce que je suis venue faire dans ce pays de fous ?!! ») et de nostalgie (vous me manquez !!),
-moments de révolte : quand les puissants écrasent les faibles d’une parole ou d’un regard ; quand les enfants viennent frapper à votre porte ou vous suivent sur les chemins pour vous demander « leur argent » ( !) ; quand les gens s’arrêtent en pleine rue pour vous détailler de haut en bas et commenter tout haut votre coiffure ou votre façon de vous habiller ; quand on vous insulte en langue locale au marché sous prétexte que vous ne comprenez pas… Bref, pas toujours facile de garder « la zen attitude »!!
Heureusement que pour contrebalancer ce négatif, il y a des moments de pur bonheur : quand toute une cathédrale chante et danse sa foi avec une ferveur propre aux pays du Sud ; quand le sourire illumine un visage ; quand la complicité naît avec l’Autre, si différent soit-il ; quand la nature nous offre sa beauté ; quand un plat comble nos papilles ; quand une musique entendue plaît à nos oreilles…

En résumé, ça se passe quand même plutôt bien : Juliette, François (un de mes collègues de travail, congolais ) et moi sommes sur la même longueur d’ondes, nous nous amusons beaucoup ensemble, et grâce à eux je me suis déjà fait un petit réseau relationnel, et plusieurs « locaux » sont devenus des proches…

REPORTAGE DU MOIS : MON TRAVAIL A BASANKUSU

Les principaux objectifs du CCDM (Centre Culturel Diocésain Mobokoli), dont je vais être la « directrice gestionnaire » pendant 2 ans, sont de :
-proposer des sessions de formation permanente aux enseignants du primaire et du secondaire, et ce sur différents sujets en lien avec leur travail
-proposer des activités culturelles et sportives, sous diverses formes et pour différents publics : pour sensibiliser, responsabiliser, éveiller, mais aussi mettre en valeur les compétences et savoir-faire locaux.

A partir du moment où nous suivons ces grandes lignes, tracées par le grand chef, ainsi que ses recommandations, la seule limite que nous avons est celle du budget et des moyens disponibles. Ca peut paraître simple, mais entre le moment où vous présenter un budget et le moment où vous disposer effectivement de l’argent pour mettre les choses en œuvre, il peut se passer 1 mois ! Dans l’intervalle, on fait quoi ??

Nos supports et nos modes d’intervention sont variés : depuis mon arrivée, j’ai suivi Juliette et ai participé à pas mal d’activités différentes, dont dans le désordre :
-animation de réunions avec des partenaires très différents (profs, autorités locales ou représentants administratifs, directeur d’une radio, religieux…)
-rédaction et présentation de projets
-gestion de budget et d’argent (des valises pleines de billets… sales… au sens propre comme au sens figuré !)
-conseil pédagogique (pour des cours de Français et d’Anglais)
-animation de jeux à la radio
-enregistrement de conférences auprès de différentes personnalités locales
-organisation d’événements sportifs
-travail en équipe
-gestion de bibliothèque
-décoration (peinture) de bâtiments
-création de supports éducatifs (pour intervenir dans les écoles)
-animation de jeux et d’activités éducatives auprès d’enfants
-formation en informatique pour des bénévoles qui nous aident dans certaines de nos activités…
Je ne me sens pas toujours à la hauteur, mais ici le niveau d’exigence est moindre : le peu qu’on fait paraît extraordinaire (sans exagérer) à beaucoup de gens.
Et surtout, on se sent immédiatement utile : notre regard ou notre soutien les valorise ; on sent que ce qu’on fait leur apporte directement quelque chose.
Dans ce type d’aide (exemple projet de réouverture d’un atelier bois existant avant la guerre, et plus particulièrement spécialisé dans la fabrication de tambours à réglages, ou réalisation de conférences sur des sujets locaux sensibles), la coopération prend réellement sens, un effort de compréhension existant de part et d’autre, au-delà des différences de langue et de culture (pratiques, comportements, modes de pensée…) : avec le temps, on s’apprivoise mutuellement, et une complicité finit par naître…

Pour l’instant, ce qui n’est pas évident, ce sont les relations avec la hiérarchie (très protocolaire et peu disponible quand présente) : j’ai encore beaucoup de mal avec leur manque total de franchise, et leur façon de noyer le poisson quand il s’agit de résoudre un problème, ou de retourner leur veste (autant de fois que nécessaire) pour ne pas perdre la face, surtout s’ils sont fautifs… Ils donnent l’impression d’éviter coûte que coûte le conflit… Leur devise, ça doit être « pas de vague ! » Pas de bol, ils ont fait venir une bretonne : il va forcément y avoir du remous !! Promis, je vous tiens au courant de l’évolution du climat !

TOUJOURS « A DREUZ »

Le Français revu et corrigé par notre sentinelle de nuit, régulièrement imprégnée de « aguéné » (eau de vie locale, que j’ai de nombreuses fois sentie, mais pas encore goûtée !) ou le phénomène Papa Jean (70 ans environ), « licencié en mauvais Français »…
Quand il a bu, « isolé volontaire », comme il se nomme lui-même, n’a pas sa langue dans sa poche, et aime parler Français à sa façon…
Voici quelques morceaux choisis :
- « nous allons ensemblement » : je vous raccompagne chez vous
- « essayez-moi » : demandez-moi, testez-moi
- « vous êtes mes directeuses », comprendre directrices
- « je suis le propriétaire de ma femme » : il a effectivement payé sa dot
- « je suis dans le vide aujourd’hui » : je n’ai rien à boire
- « donnez-moi un verre remplizé », un verre plein…
Charmant, non ? Et encore, vous ne l’avez pas vu danser, ni chanter, ni faire des bruitages (dignes du meilleur rappeur) en tapant sur son bidon… C’est qu’il a le rythme dans la peau notre Papa Jean !

PARTICULARITES LOCALES

Les mains congolaises, habituées à saisir des gamelles chaudes, sont insensibles à la chaleur et d’une remarquable agilité : imaginez-vous peler une tomate cerise avec une grande machette bien tranchante !

Les pieds congolais sont « tout-terrain », car en contact permanent avec le sol, que celui-ci soit poussiéreux, boueux, herbeux, boisé…

Les fesses congolaises sont plutôt bien dessinées (mais ça vous le savez déjà !), comme souvent chez les personnes d’origine africaine, mais elles sont aussi beaucoup moins « impatientes » que les nôtres, car habituées au contact dur du sol, de la pierre, du bois de la chaise, de la selle de vélo pas toujours très confortable…

LE SIGLE DU JOUR

Le SIDA, pour certains ça n’existe pas, c’est juste une « simple information pour décourager les amoureux »… Pas mal trouvé hein ? Sauf que ça existe vraiment !

DEVINETTE LOCALE

Une sentinelle arrive un matin affolée devant son patron : « Monsieur, cette nuit j’ai fait un rêve : il ne faut pas que vous preniez l’avion aujourd’hui, car il va s’écraser !!»
Le patron, après avoir entendu sa sentinelle lui détailler son futur accident, prend congé et décide de reporter son voyage aux jours suivants…
Le lendemain, la radio confirme le crash de l’avion que le patron devait prendre précisément (heure, lieu, compagnie…)
Peu après, le patron convoque sa sentinelle, lui remet les clefs d’une voiture flambant neuve, et lui dit : je t’offre ce cadeau pour te remercier de m’avoir sauvé la vie, mais sache qu’à partir d’aujourd’hui tu ne travailleras plus ici… »
En clair, il le renvoie. Pourquoi ????

Réponse dans le prochain article…

Tokomonana ! (A bientôt !)

Nanou de Basankusu.