jeudi 2 juillet 2009

La question de la gestion des ressources naturelles: un enjeu majeur en RDC...

L'exemple de la forêt, 2ème poumon de la terre après la forêt amazonienne


La RDC est l’un des pays les plus pauvres de la planète, et ce malgré le formidable potentiel économique dont il est doté : la forêt, le diamant, l’or et le cuivre sont les principales ressources naturelles qui attirent la convoitise des pays voisins et des entreprises étrangères. Devant le silence et l’inefficacité du gouvernement congolais à lutter contre ces envahisseurs aux multiples visages, l’Eglise catholique s’implique depuis déjà plusieurs décennies pour aider la population locale à se prendre en charge et à s’organiser dans différents domaines « pour son développement intégral ». Le Diocèse de Basankusu comporte ainsi différents services et commissions spécialisés, chargés de la justice et de la paix, de la sécurité alimentaire, de la gestion des ressources naturelles…



Les espèces végétales bordant le fleuve sont innombrables... et abritent une faune riche, mais qui s'appauvrit lentement mais sûrement...












Le papayer, "l'arbre - pharmacie"



Quelques chiffres

Les forêts du bassin du fleuve Congo représentent le 2ème plus grand massif des forêts tropicales humides de la planète, après la forêt amazonienne, avec 172 millions d’hectares couverts !Les forêts de la RDC stockent à elles seules 8% du carbone terrestre : c’est le 4ème plus grand réservoir forestier de carbone au monde.Le commerce du bois : un des commerces les plus illégaux au monde, car très difficile à contrôler.La déforestation contribue pour une large part au réchauffement climatique (20%), bien plus que les gaz émis par les transports polluants…


Réactualiser le Code forestier (2002) pour une meilleure application sur le terrain.

http://whc.unesco.org/uploads/events/event-95-kanda.pdf

La Province de l’Equateur (en orange sur la carte), et la région de Basankusu en particulier, est un des 3 sites pilotes à avoir été choisi au niveau du pays pour servir de base de données à un vaste projet d’étude visant l’amendement du Code forestier actuellement en vigueur, à partir de données récentes provenant du terrain…En 14 mois, et grâce à l’appui d’une association anglaise, il s’agira ainsi d’établir « une cartographie participative » de l’exploitation des forêts du pays : les limites géographiques des forêts communautaires posent souvent problème sur le terrain et peuvent être à l’origine de conflits entre les différentes communautés locales qui sont sensées se partager leur exploitation.La question de l’exploitation industrielle et sauvage de grands espaces par des entreprises forestières étrangères sera aussi étudiée, celle-ci se faisant bien souvent au détriment des populations locales, qui se voient exclues de leurs terres ancestrales, sans compensation, se trouvant alors privées de leur principal moyen de subsistance. Le gouvernement, directement responsable de cette situation (en acceptant des grosses sommes d’argent contre des signatures qui permettent aux grandes sociétés d’exploiter la forêt comme elles le veulent, sans aucun respect des hommes qui y vivent et y travaillent, pour leur seul profit), devra s’engager à respecter davantage les lois existantes… qu’il a lui-même approuvées !


L’importance de la forêt pour les Congolais.

Dans la culture congolaise, il faut bien comprendre que la forêt est omniprésente, et que sans elle, les Congolais ne peuvent pas vivre.




Les enfants fabriquent de larges balais avec des feuilles de palmier.
Tantine porte un panier fait de lianes tressées à la main.
D’un point de vue pratique, elle est leur principale source de nourriture : ils consomment la viande des animaux sauvages qu’ils y chassent (antilopes, singes, porcs…), mais aussi les chenilles, les oiseaux, les insectes, les larves, les tortues… Ils y cultivent par ailleurs des légumineuses, de nombreuses variétés de légumes, et récupèrent le miel des abeilles, ainsi que les noix de palme, qui leur serviront à fabriquer l’huile de palme, la principale matière grasse de la cuisine congolaise. Les Congolais tirent encore des palmiers une boisson alcoolisée sucrée fréquemment consommée : le vin de palme (aussi appelé « rafia »)…
La forêt est par ailleurs source d’emplois, et fournit aux travailleurs des matériaux pour la construction de leur habitat (cf planches, pieux, chaumes, pailles, fibres, feuilles, lianes…), d’objets musicaux et artisanaux (sculpture, vannerie, forgerie, menuiserie…), ainsi que pour les moyens de transport et de communication (pirogues, tambours, gongs, cloches…).
Pour ceux qui se soignent naturellement, la forêt regorge de plantes médicinales.
En temps de guerre, elle devient un lieu de refuge et de protection, elle offre de la sécurité aux populations locales.
D’un point de vue écologique et climatique, elle participe à l’équilibre de l’écosystème, en préservant la biodiversité, et freine l’accélération des changements climatiques, pourtant bien réels (les saisons sèches et humides ne sont plus aussi marquées), en neutralisant les gaz à effets de serre, et en régulant les précipitations et la température…
Aux plans culturel et éducationnel enfin, elle est encore régulièrement utilisée comme lieu d’initiation, de recueillement et de méditation. Ainsi, quand certains enfants sont jugés sorciers (à cause de comportements inhabituels ou incompréhensibles pour la famille), leurs parents peuvent décider de les confier à un féticheur qui les emmènera par groupes dans la forêt pour un temps plus ou moins long, le temps nécessaire à leur désenvoûtement…


Un défi actuel : la conservation.

Pour toutes ces raisons, beaucoup de personnes sur le terrain reconnaissent la nécessité d’une conservation de la forêt, et sensibilisent les populations locales à une exploitation intelligente et respectueuse de cet environnement naturel. Mais les diverses associations présentes s’affrontent sans réussir à se mettre d’accord.
Les étrangers viennent pour protéger la forêt et certaines espèces animales qui y vivent : à Basankusu par exemple, on trouve l’association française « Awely » et ses casquettes vertes, et l’AWF (« African Wild Foundation ») ; toutes 2 s’intéressant à la population des bonobos, ces fameux singes connus pour leur sexualité débridée… pourtant considérés comme une espèce menacée… comme quoi la nature ne fait pas toujours bien les choses! Les locaux cherchent quant à eux à préserver leur forêt, la diversité de ses essences et de sa faune, mais aussi leur mode de vie…
Tous paraissent donc d’accord sur le principe de la conservation, mais qui faut-il privilégier : les hommes ou les animaux ??? De quel droit, nous étrangers, pouvons-nous décréter qu’il est plus important de réserver des espaces de forêt pour préserver les bonobos (pour ultérieurement les faire voir aux touristes… au sein d’enclos électrifiés !), alors même que les hommes qui y vivent ou qui en vivent depuis toujours tirent leur subsistance de cet espace qu’ils fréquentent quotidiennement ? Comment pouvons-nous les en chasser sans leur proposer la moindre alternative, par exemple en acceptant de financer la construction d’infrastructures utiles aux communautés locales (écoles, dispensaires…) ?

Le changement de regard : une nécessité !
Quand nous établissons des projets, ne vaut-il pas mieux partir de la base, des réalités du terrain, plutôt que d’appliquer des grands principes ou de mettre en œuvre des moyens inadaptés mais répondant à des objectifs prédéfinis (ou définis ailleurs) ?
Comment s’étonner après que les locaux réagissent, « sabotent » nos projets ou refusent de s’y investir : consultés de manière intéressée, nous les confinons trop souvent dans des rôles d’exécutants, nous leur offrons notre argent contre leur bonne volonté… Les heureux élus sont bien sûr très contents du salaire que nous leur proposons (il est 5 ou 10 fois supérieur à ce qu’ils peuvent gagner localement…), mais les décideurs locaux ne sont pas dupes, ils commencent à bien nous connaître (après des siècles de colonisation et de néo-colonialisme) !
Soyons vigilants, cessons de les considérer comme des subalternes (est-ce vraiment cela « travailler en partenariat » ?), et essayons de leur faire confiance : ils savent sûrement mieux que nous ce qui est bon pour eux !!!
A bon entendeur, salut!
Baisers ensoleillés de Basankusu...

Mama Annaïg

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