vendredi 28 août 2009

MERCI !



Merci pour votre présence et votre attention, merci pour vos partages...

A très bientôt pour d'autres aventures : rendez-vous en Inde à partir du mois de Décembre...

Bon vent à vous, "kenda malamu !" (Allez en paix !)





Mama Annaïg.



LA FIN D'UNE BELLE AVENTURE !



Et oui, il y a 1 an je m'envolais pour Kinshasa, la capitale de l'immense République (non) Démocratique du Congo...

Je partais pour rencontrer la différence, pour découvrir d'autres façons de vivre et de penser le monde...
Je partais pour coopérer avec des Congolais, pour mettre mes compétences au service d'un projet local, celui de gérer un Centre Culturel, dans le Diocèse de Basankusu (grand comme 3 fois la Bretagne!), au NO de la RDC...

Après 2 retours en France pour raison de santé, j'ai décidé de ne pas repartir à Basankusu, ce petit paradis qui m'a accueilli pendant plusieurs mois: le décor est magnifique mais au fil du temps, la bretonne que je suis, habituée à l'indépendance, à la liberté de mouvement, aux rencontres et aux échanges... s'est trouvée confrontée à ses limites.
Cette vie de brousse et de jungle m'exaspère (les animaux ne sont pas toujours ceux que l'on croit...), ma "tribu" (les Blancs!) me manque, je souffre de ne pas pouvoir réellement couper du travail, et de ne pas pouvoir partager cette expérience d'expatriation avec d'autres occidentaux ou voyageurs.

Ecourtée, cette expérience de coopération n'en reste pas moins inoubliable, à jamais gravée dans mon coeur et ma mémoire.
Une expérience que je conseillerai à tout le monde de vivre (pas seulement aux aventuriers!), car elle rend plus humble, plus "riche", plus humain: on comprend mieux comment les conditions de vie façonnent nos façons d'être et de penser, et, confrontés à nos limites et à nos faiblesses, on prend davantage conscience de ce qui nous est essentiel...

De cette mission en RDC, en pleine forêt équatoriale et au contact permanent de cette population congolaise si attachante, je retiendrai :
- des moments de vie partagés dans la simplicité, la générosité et l'authenticité
- des moments d'émotions intenses, dans la douleur comme dans la joie
- de belles rencontres et une réelle complicité malgré les différences culturelles
- des visages, des couleurs...





" Dans un lieu complètement dépouillé, un monde où il n'y a rien, que reste-t-il ?

Il reste l'homme.

Et l'homme, pour survivre dans ces conditions, est obligé de se montrer solidaire, convivial. "


Soeur Emmanuelle.




jeudi 2 juillet 2009

DERNIER ARTICLE!


Bonjour à tous!

Je vous écris du Finistère, où je suis rentrée depuis début Juin...
Les articles ci-dessous datent du mois de Mai...

ENTENDU A RFI...


« Miss Rondeurs 2009 »

1,70m, 120kgs, 140cm de tour de poitrine… Je vous rassure, ce ne sont pas mes nouvelles mensurations après 9 mois passés en RDC (!)… mais celles de « Miss Rondeurs 2009 » qui vient d’être élue au Mali…

«Pour trancher avec les habituels concours Miss sur des critères qui vendent surtout la minceur et la sveltesse de la femme, nous avons décidé d’initier pour la première fois à Bamako Miss Yayoroba ou Belebele. Il s’agit de l’élection de la plus belle femme aux formes plutôt généreuses avec beaucoup d’embonpoint. Par exemple l’un des critères de cette élection est qu’il faut peser au moins 90 kilos» nous a précisé l’organisatrice principale. Une façon pour elle d’aider ses sœurs «à jouir pleinement de cette générosité de la nature mais également à démontrer que la beauté africaine c’est aussi parfois cette masse».
«Nous voulons aussi aider les femmes à la forte corpulence à se défaire du complexe de leur poids et à abandonner la consommation des produits pharmaceutiques amincissants dont la consommation très souvent cause des dégâts aux conséquences irréversibles» ajoutera-t-elle.
Ce concours est ouvert à toutes les femmes âgées de 18 à 77 ans. Et il faut avoir un poids entre 90 et 130 kg.

L’heureuse élue est Fatoumata SOUMBOUNA, 23 ans, diplômée sans emploi…
Elle a reçu une enveloppe de 100 000 FCFA, plus 12 sacs de riz, 10 cartons Satan Lucia, et 2 cartons de café « Mon Trésor ». Elle bénéficiera également de 6 mois de voyage sur la compagnie de transport SOMATRA.
Enfin, l’ANPE financera son projet professionnel…

Je vous laisse apprécier …



Elle est pas belle notre miss aux formes généreuses ?!



Meurtres d’albinos en série…

Sans aucune transition, je voulais vous faire part d’un autre sujet qui a retenu mon attention, dans la rubrique « Actualité criminologique » : il s’agit des meurtres d’albinos, régulièrement perpétrés depuis plusieurs mois (de Septembre 2008 à Mars 2009), dans la région des grands lacs et en Tanzanie.

Voici le communiqué d’RFI du mardi 19 Mai :

« Des tueurs d’albinos traduits en justice »

« Ruyigi, à quelque 200 kms à l'est de la capitale Bujumbura (BURUNDI), accueille depuis ce mardi matin, le procès d'un groupe de personnes accusées d'avoir organisé une dizaine de meurtres rituels d'albinos. Ce groupe, composé de 11 personnes, se livrait également à un odieux trafic d'organes humains. Les accusés risquent la prison à vie. Dans le box des accusés, ce matin, et devant les juges du tribunal de grande instance de Ruyigi, comparaissent 11 personnes: 8 sont accusées d’assassinats multiples et de mutilations de corps d’albinos et 3 autres de tentatives d’assassinats toujours sur des albinos. Ces crimes sont passibles de la prison à vie puisqu’on vient d’abolir la peine de mort au Burundi. Le procureur qui a fait arrêter ces auteurs présumés d’une dizaine de meurtres et rituels pratiqués sur des albinos se dit « très confiant, j’ai tous les éléments de preuve, a-t-il assuré à RFI en estimant que, les efforts de son équipe lui ont permis de démanteler le réseau qui sévit dans le pays ou au moins 11 albinos ont été tués puis mutilés au cours des 7 derniers mois ». Selon la police, leurs membres étaient vendus à des sorciers de Tanzanie qui les utilisaient pour confectionner des gris-gris porte-bonheur. Tout le monde attend donc impatiemment ce procès en espérant trouver les réponses aux nombreuses questions que l’on se pose encore : est-ce-que tout le réseau a été démantelé ? Ou encore, qui sont les commanditaires du trafic ? »

Pendant les 8 heures qu’a duré la première journée d’audience du procès des assassins présumés d’une dizaine d’albinos au Burundi, le procureur a tenté de prouver l’implication à divers degrés des 11 prévenus.
La plupart des prévenus, de simples paysans incultes et maladroits parfois, ont été arrêtés dans la province de Ruyigi (province du Burundi frontalière de la Tanzanie). Faute de moyens, ils n’ont pu bénéficier des services d’un avocat et ont tous plaidé non coupables.
La question des commanditaires de ces assassinats d’albinos, du rôle joué par les sorciers tanzaniens, ou de l’utilisation faite des membres (bras, jambes) prélevés sur les victimes, n’a pas encore été abordée… mais on sait que les sorciers attribuent aux albinos des pouvoirs magiques et croient que leur sang ainsi que certaines parties de leur corps peuvent rendre riche ou attirer la chance… Ainsi, ils mutilent les corps de leurs victimes, leur coupent bras et jambes, pour confectionner des grigris porte-bonheur à l'attention des chercheurs d'or !!!
L’albinisme est une maladie génétique caractérisée par une absence de pigmentation de la peau, des poils, des cheveux et des yeux. Dans de nombreuses régions d'Afrique, les albinos sont victimes de discriminations...

En 2006, le chanteur et musicien malien Salif Keïta créée une fondation pour défendre la cause des albinos.


Albinos-Teaser.jpg


http://www.youtube.com/watch?v=mmyqXbC_PO0
Pour plus d'infos sur ce sujet, cf ce reportage de TF1 (Mars 2009) sur le massacre des albinos.


LE BONOBO, UN SINGE PAS COMME LES AUTRES !

Dans un précédent article sur la gestion des ressources naturelles, j’ai parlé de certaines associations qui s’intéressaient à la conservation des espèces animales menacées, dont les bonobos en RDC.
Présentes à Basankusu, j’ai eu l’occasion de rencontrer plusieurs membres de ces associations, dont Renaud, le Président français de l’Association Awely (www.awely.org), ainsi que Marielle et Marie-Laure, 2 belges de l’Association ABC (Amis des bonobos du Congo).

Ainsi, pour reconnaître un bonobo en forêt, imaginez un homme transformé en singe, c’est-à-dire nous ressemblant vraiment beaucoup (taille, corpulence…), mais avec une épaisse toison noire en plus !!
Autre caractéristique des bonobos : une manière originale de régler les conflits, en simulant l'acte sexuel. Un simple frottement peut suffire… et ils sont totalement échangistes et bisexuels : toutes les combinaisons sont permises (hommes/hommes, femmes/femmes, hommes/femmes) !

Et oui, parmi les singes, le bonobo est l’espèce la plus proche de l’homme… J’ai trouvé pour vous des photos qui le prouvent … frappant non ?!



Jeux de grimaces "bonoboesques". Mouvements de lèvres élastiques, froncements de sourcils, battements d'oreilles et de paupières, les singes sont passés maîtres dans l'art des grimaces. Le paradis des bonobos, à Kinshasa (cf www.lolayabonobo.org)


bonobos_chimpanzees

Une étrange ressemblance... Les bonobos partagent avec l'Homme près de 99% de ses gènes.


J’ai également appris que certaines régions de la RDC (dont l’Equateur, et plus particulièrement les alentours de Basankusu où je me trouve !) étaient les seuls endroits au monde où cette espèce vivait encore à l’état sauvage, dans les immenses forêts primaires (dont certaines inexplorées !) qui recouvrent ces régions : le bonobo, tout comme l'okapi (girafidé forestier) sont des espèces endémiques, qui ne vivent que dans les forêts humides de la RDC, mais ces espèces sont aujourd’hui menacées, décimées par des années de guerre et de braconnage intensif (trafic de la viande). Estimés à environ 10.000 aujourd'hui, les bonobos étaient 100.000 en 1980…
D’où l’existence d’associations qui se mobilisent pour sensibiliser les populations locales à la nécessité de préserver la biodiversité : celles-ci leur expliquant par exemple qu’un bonobo vivant (dans une perspective de les faire voir aux touristes, une fois constitués en réserve…) leur rapportera toujours plus qu’un bonobo mort (environ 50$ sur le marché)… mais quand on a faim chaque jour, et qu’on ne vit que dans l’instant, peut-on être réceptif à ces promesses qui visent le long terme ? Personnellement, je ne pense pas… même si c’est toujours bien d’éveiller la conscience des populations locales, qui souvent ne se rendent pas compte des conséquences que certaines de leurs habitudes peuvent avoir sur l’environnement…

« Au début, les gens croyaient qu’on s’intéressait aux singes à cause des diamants (c’est bien connu que la nourriture favorite des singes sont les diamants et non pas les cacahuètes !)… qu’on récupérait dans leurs selles !! » me confie Marie-Laure de l’Association ABC.
Je n’en crois pas mes oreilles !! Ah les Congolais et leurs préjugés sur les Blancs avides de richesses à exploiter !!!

Bon revenons à nos moutons… heu, à nos singes, je voulais dire !!

Les Français et les Belges (et beaucoup d’autres… qui travaillent dans le même domaine, mais sans se connaître… La forêt est si vaste !!) donc s’intéressent aux bonobos et cherchent à les préserver dans un espace réservé et délimité : dans la zone choisie, des espaces sont définis pour la conservation des animaux et d’autres pour les communautés forestières, qui peuvent en théorie continuer à jouir de la forêt, dans le cadre d'une "conservation communautaire participative". Dans les zones de conservation, il est "totalement interdit" d'introduire des espèces, de pratiquer la chasse, de se livrer à l'exploitation minière ou de toute activité susceptible d'altérer l'habitat des animaux et le caractère naturel de la réserve… Ca c’est la théorie…
Je serai curieuse d’en reparler avec eux dans quelques années pour connaître l’évolution du projet…


Mama Annaïg.




La question de la gestion des ressources naturelles: un enjeu majeur en RDC...

L'exemple de la forêt, 2ème poumon de la terre après la forêt amazonienne


La RDC est l’un des pays les plus pauvres de la planète, et ce malgré le formidable potentiel économique dont il est doté : la forêt, le diamant, l’or et le cuivre sont les principales ressources naturelles qui attirent la convoitise des pays voisins et des entreprises étrangères. Devant le silence et l’inefficacité du gouvernement congolais à lutter contre ces envahisseurs aux multiples visages, l’Eglise catholique s’implique depuis déjà plusieurs décennies pour aider la population locale à se prendre en charge et à s’organiser dans différents domaines « pour son développement intégral ». Le Diocèse de Basankusu comporte ainsi différents services et commissions spécialisés, chargés de la justice et de la paix, de la sécurité alimentaire, de la gestion des ressources naturelles…



Les espèces végétales bordant le fleuve sont innombrables... et abritent une faune riche, mais qui s'appauvrit lentement mais sûrement...












Le papayer, "l'arbre - pharmacie"



Quelques chiffres

Les forêts du bassin du fleuve Congo représentent le 2ème plus grand massif des forêts tropicales humides de la planète, après la forêt amazonienne, avec 172 millions d’hectares couverts !Les forêts de la RDC stockent à elles seules 8% du carbone terrestre : c’est le 4ème plus grand réservoir forestier de carbone au monde.Le commerce du bois : un des commerces les plus illégaux au monde, car très difficile à contrôler.La déforestation contribue pour une large part au réchauffement climatique (20%), bien plus que les gaz émis par les transports polluants…


Réactualiser le Code forestier (2002) pour une meilleure application sur le terrain.

http://whc.unesco.org/uploads/events/event-95-kanda.pdf

La Province de l’Equateur (en orange sur la carte), et la région de Basankusu en particulier, est un des 3 sites pilotes à avoir été choisi au niveau du pays pour servir de base de données à un vaste projet d’étude visant l’amendement du Code forestier actuellement en vigueur, à partir de données récentes provenant du terrain…En 14 mois, et grâce à l’appui d’une association anglaise, il s’agira ainsi d’établir « une cartographie participative » de l’exploitation des forêts du pays : les limites géographiques des forêts communautaires posent souvent problème sur le terrain et peuvent être à l’origine de conflits entre les différentes communautés locales qui sont sensées se partager leur exploitation.La question de l’exploitation industrielle et sauvage de grands espaces par des entreprises forestières étrangères sera aussi étudiée, celle-ci se faisant bien souvent au détriment des populations locales, qui se voient exclues de leurs terres ancestrales, sans compensation, se trouvant alors privées de leur principal moyen de subsistance. Le gouvernement, directement responsable de cette situation (en acceptant des grosses sommes d’argent contre des signatures qui permettent aux grandes sociétés d’exploiter la forêt comme elles le veulent, sans aucun respect des hommes qui y vivent et y travaillent, pour leur seul profit), devra s’engager à respecter davantage les lois existantes… qu’il a lui-même approuvées !


L’importance de la forêt pour les Congolais.

Dans la culture congolaise, il faut bien comprendre que la forêt est omniprésente, et que sans elle, les Congolais ne peuvent pas vivre.




Les enfants fabriquent de larges balais avec des feuilles de palmier.
Tantine porte un panier fait de lianes tressées à la main.
D’un point de vue pratique, elle est leur principale source de nourriture : ils consomment la viande des animaux sauvages qu’ils y chassent (antilopes, singes, porcs…), mais aussi les chenilles, les oiseaux, les insectes, les larves, les tortues… Ils y cultivent par ailleurs des légumineuses, de nombreuses variétés de légumes, et récupèrent le miel des abeilles, ainsi que les noix de palme, qui leur serviront à fabriquer l’huile de palme, la principale matière grasse de la cuisine congolaise. Les Congolais tirent encore des palmiers une boisson alcoolisée sucrée fréquemment consommée : le vin de palme (aussi appelé « rafia »)…
La forêt est par ailleurs source d’emplois, et fournit aux travailleurs des matériaux pour la construction de leur habitat (cf planches, pieux, chaumes, pailles, fibres, feuilles, lianes…), d’objets musicaux et artisanaux (sculpture, vannerie, forgerie, menuiserie…), ainsi que pour les moyens de transport et de communication (pirogues, tambours, gongs, cloches…).
Pour ceux qui se soignent naturellement, la forêt regorge de plantes médicinales.
En temps de guerre, elle devient un lieu de refuge et de protection, elle offre de la sécurité aux populations locales.
D’un point de vue écologique et climatique, elle participe à l’équilibre de l’écosystème, en préservant la biodiversité, et freine l’accélération des changements climatiques, pourtant bien réels (les saisons sèches et humides ne sont plus aussi marquées), en neutralisant les gaz à effets de serre, et en régulant les précipitations et la température…
Aux plans culturel et éducationnel enfin, elle est encore régulièrement utilisée comme lieu d’initiation, de recueillement et de méditation. Ainsi, quand certains enfants sont jugés sorciers (à cause de comportements inhabituels ou incompréhensibles pour la famille), leurs parents peuvent décider de les confier à un féticheur qui les emmènera par groupes dans la forêt pour un temps plus ou moins long, le temps nécessaire à leur désenvoûtement…


Un défi actuel : la conservation.

Pour toutes ces raisons, beaucoup de personnes sur le terrain reconnaissent la nécessité d’une conservation de la forêt, et sensibilisent les populations locales à une exploitation intelligente et respectueuse de cet environnement naturel. Mais les diverses associations présentes s’affrontent sans réussir à se mettre d’accord.
Les étrangers viennent pour protéger la forêt et certaines espèces animales qui y vivent : à Basankusu par exemple, on trouve l’association française « Awely » et ses casquettes vertes, et l’AWF (« African Wild Foundation ») ; toutes 2 s’intéressant à la population des bonobos, ces fameux singes connus pour leur sexualité débridée… pourtant considérés comme une espèce menacée… comme quoi la nature ne fait pas toujours bien les choses! Les locaux cherchent quant à eux à préserver leur forêt, la diversité de ses essences et de sa faune, mais aussi leur mode de vie…
Tous paraissent donc d’accord sur le principe de la conservation, mais qui faut-il privilégier : les hommes ou les animaux ??? De quel droit, nous étrangers, pouvons-nous décréter qu’il est plus important de réserver des espaces de forêt pour préserver les bonobos (pour ultérieurement les faire voir aux touristes… au sein d’enclos électrifiés !), alors même que les hommes qui y vivent ou qui en vivent depuis toujours tirent leur subsistance de cet espace qu’ils fréquentent quotidiennement ? Comment pouvons-nous les en chasser sans leur proposer la moindre alternative, par exemple en acceptant de financer la construction d’infrastructures utiles aux communautés locales (écoles, dispensaires…) ?

Le changement de regard : une nécessité !
Quand nous établissons des projets, ne vaut-il pas mieux partir de la base, des réalités du terrain, plutôt que d’appliquer des grands principes ou de mettre en œuvre des moyens inadaptés mais répondant à des objectifs prédéfinis (ou définis ailleurs) ?
Comment s’étonner après que les locaux réagissent, « sabotent » nos projets ou refusent de s’y investir : consultés de manière intéressée, nous les confinons trop souvent dans des rôles d’exécutants, nous leur offrons notre argent contre leur bonne volonté… Les heureux élus sont bien sûr très contents du salaire que nous leur proposons (il est 5 ou 10 fois supérieur à ce qu’ils peuvent gagner localement…), mais les décideurs locaux ne sont pas dupes, ils commencent à bien nous connaître (après des siècles de colonisation et de néo-colonialisme) !
Soyons vigilants, cessons de les considérer comme des subalternes (est-ce vraiment cela « travailler en partenariat » ?), et essayons de leur faire confiance : ils savent sûrement mieux que nous ce qui est bon pour eux !!!
A bon entendeur, salut!
Baisers ensoleillés de Basankusu...

Mama Annaïg
Jeudi 30 Avril : Fête de l’enseignement !
















Le défilé des enfants de l'école primaire au rythme des cuivres...


Les enfants de l’école maternelle en costume.



Justice, paix, travail... Tout un programme!

Attroupement de maîtresses ; pagnes aux couleurs de l’école…


A Basankusu, comme dans toutes les autres villes du Congo, le 30 Avril, c’est la fête de l’enseignement : toutes les écoles (toutes confessions confondues) défilent une à une en « costume » (uniforme), de la maternelle au lycée, encadrées par les enseignants, en chantant et en marchant (voire en dansant…) au rythme des cuivres de la fanfare… Et oui, il n’y a pas que des percussions en Afrique !Ce que je trouve intéressant dans ce défilé, c’est le principe de réunir tout le monde, sans distinction de moyens et de représentativité : si tous les autres jours de l’année, les Catholiques (majoritaires) se battent contre les Protestants ou les Musulmans, aujourd’hui, tous les coordinateurs sont assis côte à côte et assistent au même défilé, celui de la joie d’une profession…On m’expliquera cependant qu’en fait ici toutes les écoles sont gérées par les Catholiques (largement majoritaires) : oui même les écoles musulmanes sont gérées dans les faits par les Catholiques ! Ici ça ne choque personne… En RDC, l’Etat est organisateur et l’Eglise est gestionnaire ; ce n’est pas aussi nettement séparé que chez nous : l’Eglise catholique est omniprésente, quelque soit le niveau de décision, et localement l’Evêque a presque autant de pouvoir dans son Diocèse que le Président au niveau de l’Etat… Vous me suivez ??N’hésitez pas à me poser des questions si c’est pas clair !



Récit d’un accouchement 100% naturel en direct live… Inédit !!


Comme tous les matins, Mama Julie quitte sa maison pour chercher le repas quotidien de la famille, à la différence près que notre mama est enceinte jusqu’au cou : Mama Julie a 34 ans et attend son 5è enfant. Elle va donc à pied, son panier sur le dos, à 13 kms (plus de 3h de marche!) de là pour essayer de trouver un peu de poisson…Sur le chemin du retour, Mama Julie a des contractions et commence à perdre les eaux. Au lieu de s’arrêter à Bonkita, la paroisse la plus proche, pour accoucher, elle décide de continuer son chemin jusqu’à Basankusu, tout en priant le Seigneur pour qu’il ne lui arrive rien de grave (!!)… Dans sa tête, elle ne peut pas accoucher ailleurs que chez elle, entourée d’ « inconnus », et puis cela coûterait trop cher à son mari de la faire venir avec l’enfant jusqu’à leur domicile…Non décidément, il faut que Dieu l’aide à regagner sa maison… Dieu est grand et Mama Julie arrive finalement chez elle à la tombée de la nuit, son papier plein de vivres sur le dos, et l’accouchement bien commencé… A peine arrivée, Mama Julie s’allonge sur le sol boueux à peine recouvert d’une natte tressée, et avec l’aide de son mari (qui appuie sur son ventre : il commence à avoir de l’expérience, c’est le 3è enfant que sa femme met au monde dans ces conditions rudimentaires!!), poursuit la délivrance. En quelques heures, seuls, sous la pluie et dans l’obscurité presque totale d’une nuit africaine sans lune, Mama Julie et son mari parviennent à faire sortir un gros bébé (dans les 5kgs!)… sans césarienne ni épisiotomie ! Le bébé semble bien aller, il pleure bruyamment… Il est environ 23h… mais le placenta ne veut pas sortir. L’homme a beau appuyer, appuyer, appuyer sur le ventre de sa femme, le placenta est trop haut. Impuissant, il décide de faire appel à une voisine (après avoir demandé de l’aide à l’infirmier le plus proche, qui lui a répondu quelques heures auparavant de venir avec sa femme enceinte en vélo jusqu’à chez lui, s’il voulait de l’aide pour l’accouchement… Je vous laisse imaginer le tableau !!), pour évacuer le placenta. La femme à peine délivrée a l’idée de souffler dans un tuyau pour essayer de faire descendre le placenta, pendant que la voisine masse sans cesse son ventre, tout en implorant Dieu de leur venir en aide… Au bout de plusieurs dizaines de minutes, la fervente prière est exaucée, le placenta est finalement expulsé.Dans la culture africaine traditionnelle, il est important de recueillir le placenta : celui-ci est enterré dans la case avec tous ceux des précédents nouveaux-nés. C’est une façon de perpétuer le cycle éternel de la vie et de la mort, en rendant à la terre et aux ancêtres de la famille l’enveloppe qui a permis la gestation de l’embryon… Après ce petit détour, revenons à notre accouchement : il s’agit maintenant de couper le cordon ombilical, qui relie toujours (depuis plus de 2h !!) le bébé nu en pleurs et sa maman. Pour ce faire, Mama Julie demande à son mari d’aller chercher la « lame Gilette » cachée sous le matelas : « tu sais, celle que j’ai déjà utilisée, pour couper les cheveux de Félicité, puis les ongles de Gédéon? »!!! Entendant cela, la voisine propose d’aller jusqu’à chez elle pour chercher une lame propre, histoire d’éviter de futures infections !!… Le cordon est coupé, puis chacun rentre chez soi après une nuit intense en émotions…Et le lendemain, comme tous les jours, Mama Julie s’en va chercher de l’eau au puits, avant de préparer le « pondu » en pilant les feuilles de manioc… Ainsi va la vie…

Voilà, vous venez de vivre presqu’en direct l’accouchement nocturne, 100% naturel et quasi solitaire d’Israël, le 5è enfant de Mama Julie. Le bébé a maintenant 2 semaines et se porte à merveille, tout comme sa maman : pas de grave déchirure au niveau du col, seulement des bleus sur le ventre déjà disparus…Je ne sais pas si Dieu existe, mais dans ce genre de cas le doute est-il permis ??Vous pensez peut-être que l’aventure de Mama Julie est exceptionnelle ? Dites-vous bien que malheureusement beaucoup de femmes accouchent encore de cette manière ici : « à l’ancienne », à même le sol et souvent sans aucune assistance médicale, sauf qu’à la différence de Mama Julie, actuellement en conflit avec sa mère et tous ses frères et sœurs, la femme enceinte est généralement entourée d’autres femmes qui l’aident, la conseillent et la soutiennent, pendant toute la durée de la délivrance…

Depuis le départ de Médecins Sans Frontières, en 2005, la situation s’est nettement dégradée : de 70 FC avec une bonne prise en charge médicale de la mère et de l’enfant à l’hôpital, l’accouchement est passé à 15000 FC sans aucune garantie : rien que ces dernières semaines, j’ai entendu dire que 7 femmes ainsi que leur bébé étaient décédés, lors d’un accouchement par césarienne à l’Hôpital… Je vous laisse méditer sur cette merveilleuse aventure qu’est le fait de donner la vie, merveille toute relative pour de nombreuses femmes vivant sur cette planète en 2009… Leur foi les sauve bien souvent…


Le 1er Mai des Catholiques à Basankusu.


Procession des mamas catholiques (reconnaissables à leur foulard) à la messe.


Chaque semaine, les croyants se réunissent par secteurs géographiques, en communautés ecclésiales vivantes (CEV), pour prier et réfléchir sur leur vie quotidienne de chrétiens. Aujourd’hui « Fête du travail », ils sont nombreux à se retrouver à l’ombre des palmiers avec leur mokambi (animateur ou animatrice responsable de CEV) pour parler du travail : l’évolution de cette notion et de cette réalité est d’abord abordée sous l’angle de l’Ancien Testament, puis chacun est interpellé sur son attitude actuelle face au travail : l’oisiveté, particulièrement répandue ici, est condamnée…
Sous la forme d’une procession, les croyants se dirigent ensuite vers la Cathédrale en louant la Vierge Marie, pour assister à une messe spéciale célébrée par l’Evêque…
Pour ma part, je suis restée au calme à Mpoma : pour une fois que le groupe électrogène ne fonctionne pas, j’ai préféré profiter des bruits de la nature, plutôt que d’accompagner mes frères et sœurs congolais le long du chemin de croix… Découvrir la culture locale certes, mais pas dans n’importe quelles conditions ; je connais mes limites : ce genre de procession où l’on s’apitoie en lingala pendant 1heure sous le grand soleil ne m’amuse pas du tout !


Chemin de croix à Bolomba...



dimanche 19 avril 2009

PUNITION

Dans une salle de classe, un jeudi matin, des élèves (4) refusent de chanter l’hymne national « Debout Congolais ». Le Préfet (Directeur), mécontent, punit tous les élèves… en les privant de cours ! Tous rentrent chez eux, plus ou moins satisfaits.
L'hymne national de la RDC a été écrit par le Révérend Père Simon-Pierre Boka, composé par Joseph Lutumba et adopté l'année de l'indépendance du pays en 1960. Cet hymne a été remplacé par « La Zaïroise », également écrite par Boka, en 1971 sous Mobutu. Depuis la prise de pouvoir de Laurent-Désiré Kabila en 1997, « Debout congolais » est redevenu l'hymne national…


« Debout Congolais,
Unis par le sort
Unis dans l'effort pour l'indépendance.
Dressons nos fronts, longtemps courbés
Et pour de bon prenons le plus bel élan,
Dans la paix

Ô peuple ardent
Par le labeur
Nous bâtirons un pays plus beau qu'avant
Dans la paix

Citoyens
Entonnez l'hymne sacré de votre solidarité
Fièrement
Saluez l'emblème d'or de votre souveraineté
Congo !

Don béni, Congo !
Des aïeux, Congo !
Ô pays, Congo !
Bien aimé, Congo !
Nous peuplerons ton sol
et nous assurerons ta grandeur
Trente juin, ô doux soleil
Trente juin, du trente juin
Jour sacré, soit le témoin,
Jour sacré, de l'immortel
Serment de liberté
Que nous léguons
À notre postérité
Pour toujours »



MUNDELE

Je viens de découvrir seulement aujourd’hui l’origine du mot lingala « mundélé », qui désigne les Blancs : mundélé vient de « modèle », déformé par les locaux. Modèle pour « modèle de civilisation »


LA FEMME‑PONDEUSE…

« Pour rester féconde, une femme doit avoir au moins 1 enfant tous les 2‑3 ans (maximum) », m’explique un papa qui observe scrupuleusement cette règle. Pour lui, c’est ce qui explique la différence de fertilité entre les femmes européennes et africaines…
Dans la plupart des familles, cette règle est plus que respectée : ici, les enfants n’ont en général qu’un an de différence avec leurs frères et sœurs.
A bon entendeuse, salut…
Certains ou certaines ont‑ils des chiffres « sérieux » prouvant ce lien entre fertilité et production abondante d’enfants ??


12€ POUR AVOIR LE DROIT DE PASSER L’EPREUVE DE LA DISSERTATION

Le droit de passer la dissertation, épreuve obligatoire de l’équivalent local du Bac, coûte ici à chaque élève 10800 Francs Congolais, soit environ 12€, c’est‑à‑dire presque l’équivalent d’un mois de salaire pour certains travailleurs… Cet argent est remis au Préfet de chaque établissement qui, soit garde tout pour lui, soit en donne une partie aux examinateurs, ainsi qu’aux professeurs volontaires pour le laboratoire (tricherie organisée consistant pour le professeur corrompu à rédiger la copie des élèves).
Dommage pour le fonctionnement de nombreux établissements, qui manquent de tableaux dignes de ce nom, de tables, de chaises ou bancs corrects, de supports pédagogiques adaptés…




Un tableau en piteux état! Un banc sur lequel peuvent se serrer 6 élèves !




PAPA DENIS… RAPPEL

C’est ma sentinelle rapprochée, celle qui est censée me garder la nuit quand je dors. Il renouvelle sa demande de correspondre avec une Française intéressée par « les échanges interculturels », et m’a demandé de joindre sa photo, pour faciliter le contact… Je vous laisse apprécier sa bonhomie naturelle !
Mesdames et mesdemoiselles intéressées, n’hésitez pas à me faire signe…



CHENILLE VERTE

Vous connaissiez « Une souris verte qui courrait dans l’herbe…», et bien voici une chenille verte qui se tortillait sur la table!
Apprécier ses couleurs magnifiques…







































dimanche 29 mars 2009

Comme vous pouvez le voir, je progresse comme "bloggeuse": j'ai trouvé comment on ajoutait des photos au texte... révolutionnaire! Maintenant il faut que j'améliore la mise en page... soyez patient, ça va venir!!!
LOL


ORDINATION DIACONALE DU DIMANCHE 22 MARS.

















Une grande messe pleine de joie, de ferveur et de couleurs… de 9h30 à 15h30 !
Messe suivie de plusieurs jours de fêtes protocolaires où je me rends plus par obligation (depuis mon retour je me rends compte que je fais désormais partie du « milieu » comme ils disent ici, et que je ne peux pas trop me permettre d’être absente à moins d’avoir une bonne raison !) que par goût : on vous place et vous attendez d’être servi. Vous vous retrouvez parfois à côté de quelqu’un que vous ne connaissez pas et qui n’a pas vraiment envie de causer… Bref, c’est pas très amusant ! Mais il paraît que c’est pas partout comme ça… tant mieux !



ETRE DIACRE…

« Abbé Philippe, ça fait quoi d’être diacre ?
Ben ça change tout, quelque chose est entré en moi et agit !
???????
Ben oui, maintenant comme Jésus, je peux chasser les démons de certaines personnes qui viennent me voir !!!
Ah ? tu es devenu féticheur ??
Mais non… !! »


PORTER LE PAGNE…





C’est comme être diacre, ça change tout !!
Congolais et congolaises m’ont exprimé leur joie (voire leur fierté) de me voir adopter la « couture » (mode) locale et ont bien sûr trouvé que la jupe choisie m’allait très bien… Expérience à renouveler donc… et vu le coût modique de l’opération, y’a pas à hésiter : 5 € le tissu et la façon !









UNE MUNDELE AU MATCH DE FOOT !

Après une danse au rythme des tambours devant près de 1500 personnes à la Cathédrale, en Décembre, j’ai vécu mon 2è baptême du feu en assistant vendredi à la fin d’un match de foot (l’équipe que le Centre Culturel soutient jouait et j’avais promis de venir faire un tour…), après être passée devant presque tous les supporters (en contournant le terrain) pour atteindre mon collègue congolais, en suivant un petit d’accord pour me guider dans la foule.
Que de regards braqués sur moi (quasiment que des hommes comme vous pouvez l’imaginer !). J’étais très intimidée… Je ne pensais pas que le terrain serait aussi grand et qu’il y aurait autant de monde, mais comme je suivais l’enfant, je ne pouvais plus faire demi-tour ! Grand moment de solitude : je ne me suis jamais sentie aussi blanche et aussi femelle… Je ne veux même pas savoir ce qu’ils ont pu penser…

Le pire c’est que je risque d’y retourner, mais accompagnée par un ami cette fois-ci… Je finirai bien par faire partie du décor !
En tous cas maintenant quand je croise des gamins, ils veulent tous me serrer la main… C’est comme si j’avais franchi un nouveau cap !


PANCARTE EDUCATIVE…

















Pour essayer de faire réfléchir les gens par rapport à leurs demandes intempestives (d’argent, de médicaments, de chaussures, de café, d’alcool…), j’ai osé mettre par écrit ce que je pense depuis déjà longtemps et affiché sur ma porte une petite phrase censée faire réfléchir. Ecrite en langue locale, elle dit ceci : « Au lieu de tendre les mains pour demander, c’est mieux de les utiliser pour travailler ! »
Ca fait réagir quand ils le lisent, ils trouvent ça « éducatif », mais ça ne les empêche pas de demander ! C’est toujours les autres et pas eux… c’est assez désoriantant pour moi, et franchement agaçant pour la bretonne que je suis (habituée à dire les choses avec une certaine franchise), cette attitude paradoxale, ce manque de lien apparent entre ce qu’ils disent penser et ce qu’ils font ; c’est comme s’ils ne livraient jamais vraiment le fond de leur pensée, comme s’il y avait un discours de façade (réservé à la sphère publique) et un discours plus intimiste qu’on réserve aux proches ou aux gens de confiance, aux « bouches autorisées ».
Ici quand une information (rumeur) circule, la première chose qu’on demande, c’est « qui t’as dit ça ? »… et si ça vient d’une « bouche autorisée », c’est-à-dire soit une personne haut placée dans la hiérarchie, soit une personne qui a depuis longtemps prouvé son sérieux et son honnêteté par ses actes et /ou son engagement, alors on accordera une certaine véracité au propos !


PAïENNE !


Je ne vais presque jamais à la messe, qui a lieu chaque matin, (moi j’essaie d’y aller tous les Dimanches, c’est déjà un bel effort !), donc je ne prie pas assez Dieu, donc je suis païenne ! Voilà ce que certains voient dans ma manière discrète de vivre mes croyances.
Quand je leur dis : « Mais vous savez, moi je ne suis pas obligée d’aller à la messe pour prier ! » Ils ne comprennent pas, car comme je le disais plus haut : il faut toujours montrer, se montrer…
Je ne perds plus mon temps à me justifier, je réagis seulement sur le moment quand on me réprimande (en leur rappelant que je suis adulte, responsable et vaccinée, et que je sais ce que j’ai à faire !), je souris (très important le sourire !) et je m’en vais… Je me suis fait une raison, et je pense sincèrement que peu d’entre eux sont capables de se détacher de leur culture pour comprendre mon point de vue d’occidentale : comment leur expliquer que je ne me retrouve « tout simplement » pas dans le discours (très moralisateur et culpabilisateur) et les orientations actuelles de l’Eglise (à mon sens davantage portée sur le passé que sur l’avenir, et obnubilée par l’importance des divers rites et sacrements), mais que ça ne m’empêche pas d’adopter une attitude chrétienne au quotidien ?
Bien que non acceptée dans ma différence, je me sens intégrée ! Mon but de toute façon n’est pas de devenir congolaise (y’aurait trop de travail !), mais plutôt d’essayer de comprendre un peu comment ils fonctionnent…



LE TRAVAIL AU CENTRE


Vous devez parfois vous dire en me lisant : « elle parle beaucoup de sa relation avec les gens, mais c’est quoi en fait son boulot là-bas ??? »
J’en parle peu, c’est vrai, car le plus gros de mon travail est d’ordre relationnel : il s’agit essentiellement de ménager les susceptibilités de chacun (hiérarchie, partenaires, travailleurs, bénéficiaires…), et de gérer les demandes intempestives ou les multiples tentatives de rénégociation d’affaires déjà entendues.
J’ai aussi une partie administrative de rédaction de courriers, de demandes de budgets, et de bilans financiers.
Et enfin, un rôle de représentation du Centre Culturel Diocésain dans un certain nombre de manifestations locales, en tant que « mundélé » et que « Directrice gestionnaire », comme certains aiment à me rappeler. Ce côté « public relation » n’est pas toujours évident à gérer, car peu habituée aux courbettes et aux chichis, je me sens parfois mal à l’aise ; j’essaie cependant de rester moi-même ! Et surtout, j’ai la constante impression de manquer de temps pour moi, même chez moi, je suis toujours dérangée… pas facile de souffler !!
L’autre raison pour laquelle je n’évoque pas souvent les activités du Centre, pourtant diverses et variées, est que celles-ci touchent assez peu de gens dans la réalité, comparé aux nombre d’habitants de Basankusu et du Diocèse !
Et puis malgré des activités établies (par exemple, accès gratuit à la bibliothèque d’Etsiko chaque mercredi après-midi), la fréquentation est très faible et chaque semaine est différente, car je ne vois presque jamais les mêmes personnes : ici c’est particulièrement difficile d’engager un travail dans la durée ; je m’y suis habituée et je m’adapte !
Le constat est le même pour les cours de Français (pourtant quasiment personnalisés !)et d’Anglais.
Concernant mes interventions dans plusieurs écoles de la ville, j’attends toujours le feu vert de mon chef, qui a toujours « beaucoup de chats à fouetter », et qui m’a laissé entendre que ça ne serait sans doute pas pour cette année scolaire, celle-ci prenant fin en Juillet (c’est-à-dire dans 4 mois quand même !). C’est pas grave, ça nous laissera plus de temps pour faire autre chose.
Au programme des prochains mois donc, une série d’animations pour l’ensemble de la population, avec :
-une conférence sur un sujet d’actualité (au hasard : « la crise financière mondiale et ses conséquences »), proposée par Papa Antoine, un monsieur engagé travaillant pour un projet de sécurité alimentaire à Basankusu, projet financé par Caritas Belgique…
-un jeu radio culturel, les 15 derniers jours d’Avril, qui opposera des jeunes inscrits dans différents collèges et lycées de la ville
-des événements sportifs, courant Mai, histoire de distraire et de mobiliser un peu les gens (courses de vélo, marathon, tournoi de foot…)
-la remise des diplômes pour les étudiants du 4è niveau en Anglais…
Et aussi bien sûr, la poursuite des travaux d’autosubsistance, avec l’entretien du champ d’ananas (500 pieds plantés, mais encore peu de fruits mûrs…) et la culture des « kundé » (flageolets locaux) tout près du Centre, ainsi que la réalisation de divers supports pédagogiques pour les écoles ( cartes de géographie, schémas de science, récapitulatifs de certains points de grammaire française…)



LA VISITE ANNONCEE DU PRESIDENT KABILA


Courant Avril, Basankusu se prépare par ailleurs à recevoir le Président actuel de la RDC, Joseph Kabila, qui se déplacera pour la première fois dans le fief de son opposant politique Jean-Pierre Bemba ( actuellement inquiété par la Cour Pénale Internationale pour des crimes qu’il n’aurait pas commis, car trop nationaliste et dangereux pour les intérêts occidentaux en RDC… mais qui bénéficie ici d’un large soutien de la population).
Ca fait presque déjà 2 semaines qu’on annonce son arrivée, et que les gens « s’organisent », sans savoir la date exacte de sa venue ni le nombre de personnes qui l’accompagneront… Moi ça m’épate !
L’organisation consistant essentiellement à débroussailler « les grandes avenues » (les chemins) pour les rendre larges et praticables (travaux réalisés par tous les enfants en âge de tenir une machette, de 10 ans à 20 ans environ… au lieu d’aller en classe !!), et à chercher un hébergement digne de ce nom pour le Président et sa suite.
Se pose aussi évidemment la question de la nourriture : qui va payer pour nourrir tous ces gens (« tous ces bandits » disent certains), et pendant combien de temps ?
Les Commissaires de District (sortes de préfets locaux) ont déjà demandé à la population de contribuer (en espèce ou en nature : chèvres, manioc…) et c’est scandaleux, connaissant les conditions dans lesquelles les gens (sur)vivent. Des voix s’élèvent, mais je suis sûre que ça finira ainsi : tous veulent bien recevoir celui qui est leur Président (c’est un honneur et un devoir !), bien que celui-ci n’ait aucun égard pour eux depuis presque 3 ans qu’il est au pouvoir…
Manifester publiquement (en masse) son mécontentement ne fait partie des coutumes locales ; ils feront comme d’habitude : ils revêtiront leurs plus beaux habits, et fabriqueront à la dernière minute (malgré les 2 semaines d’organisation !) de beaux décors naturels, pour l’accueillir en grande pompe avec moult chants, danses et sourires… comme si tout allait bien !! Affaire à suivre…


Suite au prochain numéro. Je vous envoie des bisous pleins de chaleur !!

mardi 17 mars 2009

DE RETOUR A BASANKUSU !

LE VOYAGE...

Me voici revenue en terre africaine depuis hier après un voyage long et éprouvant: 6 jours pour faire Brest-Basankusu, avec 2 escales, en utilisant l'avion, la voiture et la pirogue... C'est pas simple!
En prenant la pirogue (les 3 derniers jours), j'ai encore mieux réalisé le calvaire des Equatoriens n'ayant pas d'autre moyen de transport à leur disposition: imaginez-vous rester assis pendant 3 jours, le jour sous un soleil harrassant, la nuit dans le froid et l'obscurité (sans lumière... il y a obscurité et obscurité!), et parfois dans le vent, sous la pluie... souvent sans rien manger... Je comprends mieux pourquoi les accidents de navigation sont si fréquents ici, et pourquoi l'espérance de vie des Congolais n'est pas très élevée (55 ans!): ils repoussent tellement leurs limites en permanence... C'est de la pure folie, et en même temps leur joie de vivre, leur enthousiasme... n'est pas qu'une rumeur! Je leur tire mon chapeau!

LE FORMIDABLE ACCUEIL DES GENS ...

Je ne m'attendais pas à de telles effusions: tout le monde vient me saluer en m'appelant par mon prénom, me donner le bonjour et me souhaiter une bonne arrivée... et cela avec une telle joie et un tel enthousiaste... Je ne pensais pas que je leur avais autant manqué (en toute modestie)!
Beaucoup pensaient que je ne reviendrai jamais, et ma présence ici semble leur redonner espoir et courage, à un moment où la situation ne cesse d'empirer... Certains travailleurs attendent leurs salaires depuis 4 mois; ils n'ont qu'un mot sur les lèvres "mbongo!" (de l'argent!)
Le pire, c'est que tout le monde sait que cette situation difficile est en partie due à une mauvaise gestion du Diocèse: mon amie Juliette, partie travailler en tant qu'expatriée à l'est de la RDC pour coordonner un projet de sécurité alimentaire me l'a confirmé, par comparaison avec l'endroit où elle se trouve, qui est dynamique et très bien géré. Les gens se prennent en main, se constituent en associations pour trouver des solutions à leurs problèmes, et les responsables véreux ou mal intentionnés sont écartés... Bref ça fait plaisir de savoir que c'est possible en Afrique (de s'organiser dans l'intérêt de la population), mais dommage pour tous ceux qui subissent les frasques de dirigeants incompétents et malhonnêtes...

LE TRAVAIL AU CENTRE MOBOKOLI

Mon absence a permis a mes collègues congolais de prendre des initiatives et j'en suis ravie: le défrichage et l'entretien de la parcelle du Centre ont commencé, et les semailles sont en cours... Il faut croire que j'ai été clair en leur présentant les objectifs de 2009 et que j'ai su les motiver!
J'ai hâte de voir le profit que nous pourrons tirer de ces cultures dans quelques mois; j'espère qu'elles nous permettront de financer quelques unes des activités du Centre...
Jean-Louis a par ailleurs organisé une conférence sur le thème des études supérieures, et apparemment il y avait affluence... Expérience à renouveler!
Seule incertitude: après son ordination (ce jeune homme va devenir diacre), il sera peut-être muté: nous sommes suspendus au bon-vouloir de l'Evêque... Affaire à suivre!

QUELQUES PERLES RELEVEES CA ET LA...

"Démocrate!" Taquinerie lancée à ceux qui portent des cravates... en référence à la mouvance démocrate née dans les années 90 en RDC...

"Tu es redevenue blanche!" s'est exprimé quelqu'un en me revoyant en bonne santé... "Ah bon, et avant j'étais quelle couleur? "Ben jaune!" (malade quoi...)
Comme quoi la notion de couleur est toute relative!

Foot. Pour votre culture sportive, sachez que les Léopards de la RDC ont remporté la victoire de la Coupe d'Afrique la semaine dernière contre les Ghanéens... qu'il y a eu grande fête... que les joueurs et leur staff ont été très gâtés (chacun un 4/4, soit 42 au total + une grosse somme d'argent), ça fait bien sûr réfléchir quand on connaît la situation du pays... et surtout que Lundi c'était jour férié parce que les Léopards avaient gagné la coupe! Décidément, toutes les occasions sont bonnes pour ne pas travailler! Ca vous dirait de ne pas travailler chaque fois que les français remportent la Coupe de l'UEFA??

Bon trêve de plaisanterie, je vous laisse méditer sur cette importante question des jours fériés et je vous dis à très bientôt pour de nouvelles aventures!

Mama Annaïg.

mardi 24 février 2009

Ah l'Afrique!!!

Ah l'Afrique et ses innombrables bébêtes qui vous piquent et vous infectent sans crier gare!!

Et oui, je suis toujours dans le Finistère... Les forces me reviennent peu à peu, alors j'espère regagner bientôt la RDC: prochain départ annoncé, le 11 Mars!

A très bientôt!

Annaïg

dimanche 18 janvier 2009

PELE-MELE DES CHOSES VUES, VECUES, ENTENDUES... CES 2 DERNIERS MOIS...

BONNE ANNEE!!

Tout d'abord, à vous tous qui me lisez quand je veux bien écrire, je vous souhaite de tout mon coeur une belle année 2009: qu'elle voit les projets de chacun se réaliser dans la joie et l'harmonie...

INFO DE DERNIERE MINUTE...

Pour ceux que je n'ai pas pris le temps de prévenir, sachez que je vous écris de France: après 4 mois et demi d'investissement et de travail passionnant en Equateur, mon corps m'a dit "stop!" (grosse chute de tension et petits soucis de santé...), alors j'ai décidé de rentrer faire une pause pendant quelques semaines, histoire de reprendre des forces et de rassurer la famille ! Je pense repartir pour la RDC dès mi-février: ici il fait trop froid, le soleil et la chaleur (35-40°C) me manquent cruellement! Je suis quand même super contente de vous revoir: l'accueil chaleureux des proches, c'est sympa aussi...

DECEMBRE ET JANVIER EN EQUATEUR...

Durant ces 2 mois, mes relations avec la population locale se sont approfondies: j'ai été régulièrement invitée à des fêtes par certaines personnes avec qui j'ai sympathisé.
Je n'étais pas toujours très à l'aise au début, car ici curieusement, les protocoles sont omniprésents: en tant que "mundélée" (blanche), je ne pouvais pas me placer où je voulais, je me suis souvent retrouvée dans le carré des officiels, des personnes "importantes", ce qui me gênait beaucoup.
Et puis finalement, la spontanéité ne venait que tardivement, souvent en fin de soirée, après le respect des différentes étapes (discours, remise des cadeaux, apéritif, repas, photos, démonstrations d'expression corporelle...) et le départ des officiels , et une fois les invités réchauffés par l'alcool ...

J'ai alors mieux compris pourquoi les Africains avaient un déhanché à faire craquer tous ceux et celles qui les regardent danser, et ce dès le plus jeune âge: certes ils ont le rythme dans la peau (la musique, le chant et la danse font partie de leur vie quotidienne), mais ils ont aussi souvent beaucoup d'alcool dans le sang! Et je vous jure que depuis que je sais qu'on donne aux plus jeunes (dès 5-6 ans) de l'aguéné (eau de vie locale, comparable au lambig breton...) pour qu'ils fassent le spectacle, et bien je trouve leur déhanché beaucoup moins naturel et charmant!!
Imaginez quand ils vieillissent la suite qu'ils peuvent donnerà une soirée bien arrosée... On comprend mieux pourquoi les femmes sont toujours "grosses" (enceintes) et pourquoi les MST font des ravages...
On comprend mieux aussi pourquoi l'alcoolisme est si répandu ici, y compris chez les religieux, pourtant considérés comme des modèles de sainteté par une bonne partie de la population!
Le problème, c'est juste que consommer de l'alcool est considéré comme un loisir, un des principaux...

C'est un fait, l'alcool désinhibe, mais j'ai quand même vécu des moments de bonheur et de communion intense avec ces gens heureux de fêter le départ de leur proche, l'arrivée du petit Jésus (Noêl), le passage à la nouvelle année... Des moments de partage et d'émotions, de ceux qu'on n'oublie pas, de ceux qui nous rechargent en énergie positive...

Pendant ces 2 mois, j'ai également poursuivi mon exploration du Diocèse de Basankusu, en passant Noël dans la paroisse de Kodoro... A la rencontre des villageois et de leur réalité quotidienne...

Et côté travail, je suis à la fois chef du personnel, banquière, assistante sociale, éducatrice spécialisée, chef de chantier bâtiment et peinture, apprentie agricultrice, enseignante, bibliothécaire, fabricatrice de supports pédagogiques, animatrice, organisatrice de conférences, de jeux radio et d'événements sportifs, commerciale... C'est varié et passionnant, mais aussi usant, car je ne peux pas toujours faire confiance à mes travailleurs, parfois mal intentionnés... Sûrement ce qui m'a valu cette grosse fatigue... Mais je reste très motivée par ma mission, et attachée aux nouveaux liens que j'ai créés: les gens de Basankusu se montrent très présents à mon égard, je me sens très intégrée...

Voilà pour les dernières nouvelles...

A très bientôt pour de nouvelles anecdotes...

Mama Annaïg, alias Mama Nguba ( "Mama arachides", car toujours avec ses frères...), ou encore "Mama Cocoty" (car j'adore les noix de coco)!!